Passage Kurde
Vers Kastamanou, dans le nord, selon notre enquête auprès des chauffeurs de camion, quatre mois suffisent à une rencontre amoureuse, les mamans de chacune des parts concernées se rencontrent une fois et valident ou non le mariage. Cela nous semblait un peu raide. Meme si n’oublions pas qu’ici, dans les campagnes, il n’est pas question de contraception, pas de sexe avant le mariage. Dans les montagnes du Sud, vers Malatya, nous sommes accueillis chez un jeune couple. Eux ne se sont vus qu’une seule fois avant de se marier. Apres 7 mois de vie commune, on ne vous parle pas de complicite.
La jeune épouse, dans la tradition part habiter chez les parents de son conjoint. Ensuite, elle vit dans l’enceinte du foyer, occupée a faire le pain, traire les vaches ou chèvres pour le fromage -et le beurre sale comme celui normand, par ici, a surveiller les gamins et a travailler dans « le jardin » (en fait l’irrigation des champs et autres travaux difficiles) y compris lorsqu’elles sont enceintes jusqu’au cou. Bref, le coup a prendre, c’est de bien s’entendre avec sa famille d’adoption, la belle-mere particulierement qui peut l’exploiter en cuisine pour ses vieux jours.
Dans ces villages-la, les hommes semblent peu travailler par rapport à leurs épouses, même si tout le monde affirmera le contraire. Rares sont les couples pour lesquels le boulot est équilibre. Le boulot des hommes est a horaires fixes, avec plein de temps de repos et de café pour discuter des choses qui se décident entre hommes ou tout simplement pour jouer.
Malgré l’exploitation dont les femmes font l’objet, il y a une belle atmosphère dans bien des endroits rencontres. Beaucoup de respect pour les liens familiaux et de gentillesses entre les uns les autres (on ne frappe jamais un enfant, on ne va pas contre sa nature et ils sont pourtant très bien élevés), un angélisme d’innocence perdu dans les contextes urbains, une sagesse populaire qui a du sens et du fond. En cette saison, on récolte le raisin pour en faire du vin ou une substance ressemblant au bonbon, on fait sécher les figues et les noix peu après les abricots du mois de juillet, on nourrit les animaux nouveau nes symboles d’opulence et on irrigue les champs.
On a pas encore tres bien pige les coutumes hospitalieres. Etre invite chez quelqu’un a quelquechose de sacré. Nous sommes desobligeants de manger ailleurs -tandis que nous, nous pensons les décharger d’obligations. Lorsque nous dinons chez les voisins, eux nous proposent de dormir. Manger, dormir chez quelqu’un, les deux font la paire. Pas moyen d’être indépendants et de se déplacer seuls, on prétexte des chiens sauvages ou des problemes d’orientations pour nous accompagner en toutes occasions. Le dernier hôte s’est mis a nous faire notre programme de chaque jour, voulant tout contrôler ; dans une succession d’incompréhensions, nous avons pris pourtant notre liberté. Les tenants et les aboutissant de la coutume nous échappent encore et nous allons de surprise en surprise d’un endroit a l’autre.
Phénomène a part. Le jeûne touchant a sa fin, de nombreux Stambouliotes rentrent aux villages. Chaque village a ses immigrés Stambouliotes, l’exode rural étant récent et massif. Le décalage culturel lorsque ces touristes débarquent au bled est remarquable. Ceux des villes sont généralement plus gras, habillés a la mode urbaine. Dans leur famille rurale, ils se comportent en terrain conquis, répondent aux exigences culinaires de leurs enfants, ne se rendent surtout pas compte du travail qu’ils occasionnent. Une des habitantes permanentes évoque leur passage comme un cirque « ils se retrouvent en groupe a la mosquee, les hommes circulent armes au village et questionnent les gens sur le gibier a buter ». C’est vrai que c’est particulier, tout ces chasseurs arborant leurs fusils en quête de sangliers -qu’ils ne mangeront bien entendu pas, en bons musulmans- ayant la sensation de faire un truc entre hommes, de viril, avec feu le soir et nuits a la belle.
Nous avons eu de la chance que le maire du village propose de lui-meme de nous faire traverser l’Euphrate en barque a moteur. Depuis quelques jours notre passage dans les montagnes était devenu mission quasi impossible ! Un chemin en sable et pierres et des pentes bien raides, nous obligeait a des passages pousses penibles. Dans les parages, c’est plutôt a dos d’âne qu’on se déplace, véhicule bien mieux adapté. Heureusement que Yannick assumant son choix de parcours est descendu de son vélo pour me pousser dans quelques cotes. Comme nous avancions piano, piano -sans etre certains qu’il y ait un pont pour aller sur l’autre rive, les témoignages se contredisant- nos hôtes du coin qui se connaissent entre eux, se souviendront de nous longtemps.
Finalement, je m’aperçois être plus à mon aise au milieu des femmes. On s’adopte vite, une bise ou deux, un coup de main à la cuisine, une discussion de fille sur le maquillage qu’une me pose, un sourire échange sur l’absence des hommes aux fourneaux. Tandis que les hommes me serrent la main au 1er jour éventuellement et apres seulement s’adressent a Yannick. Me voila devenue invisible…le plus curieux est que dans l’imaginaire des gens mon voyage en velo est inenvisageable et que rares sont ceux qui me questionnent a ce sujet.
İci, apres les Elavis et ceux qui pensent queleur village montagneux avant etait plat, nous sommes dans un village ou l’on parle zaza, un dialecte latin dans lequel les ingenieurs italiens du barrage doivent avoir une responsabilite. İnternet est bien rare, notre İmam deracine d’antioche nous a fourni une belle occasion de communiquer avec vous. On nous appelle Mahmut et Çiçek (fleur), c’est plus pratique. On vous embrasse D2ici a la prochaine.