Fin novembre avec l’urgence de sortir du territoire turc pour le renouvellement de visa et une mamie apparrement au 106e dessous, nous achetons des billets d’avion pour un retour surprise en France. Surprise pour nos familles, mais pas pour nos amis que nous convions un mois a l avance a se retrouver apres cet an et quart d absence pour de grandes festivites autour du 1er de l’an, le moment le plus approprié après un temps en famille où nous serons trés attendus. Voilà enfin l’occasion d’apprendre à connaitre nos familles respectives, que nous n’avions qu’à peine rencontrées avant notre grand départ. Qui plus est, parce qu’elles sont divisées, il va falloir nous partager judicieusement pour combler tout le monde. Un tour de force en perspective.
Souvenez-vous. Voilà des mois que nous sommes immergés dans des cultures communautaires, où nous passons pour des héros à chaque foyer où nous nous arretons.
A Mulhouse où nous atterrissons, Madeleine et Marc, nous accueillent comme le retour de leurs propres enfants, une choucroute nous est servie a 1heure du matin autour d’une belle discussion et on repart des chaussons maisons crochetés a la main avec la promesse que nous repasserons. Nous sommes dans une famille traditionnelle, non divorcée ou l’union fait la force.
Une traversée de France en auto-stop plus tard, mon père nous ouvre ses portes à Tours. Nous sommes évidemment très heureux de nous retrouver, mais sans trop d’effusion de sentiments, au sein du modèle patriarcal francais. C’est un peu comme si nous nous étions quittés hier. Mais nous entre-temps avons vécu une vie condensée, qui ne peut se résumer en trois mots. Nous semblons tous détachés les uns des autres, cela semble étrange à Yannick qui a une fratrie impatiente qui l’attend au Mans.
Petit à petit, on se retrouve les uns, les autres au Mans, au Havre, où on fait des rencontres de premières fois avec de nouveaux membres de la famille, qui n’a pas cessée d’évoluer en notre absence. Il faut parvenir à ménager les susceptibilités de chacun pour satisfaire tout le monde de notre presence, afin que personne ne se sente négligé. Parfois ce n’est pas évident. Aprés un an et quart d’absence, de voyage nomade en bicyclette pas facile tous les jours, il nous aurait paru naturel que chacun se plie en quatre pour nous voir. Notre famille s’est débrouillée au mieux subissant les contraintes de nous partager entre chacune des quatre parts -deux familles divorcées.
Mais une bonne partie des amis, sans doute pris de court, n’ont pas réalisé l’importance de ces retrouvailles. Pour certains 200 km étaient trop de route – ce qui nous a coupé le souffle, après tout ce long périple en bus, avion et auto-stop pour venir les rejoindre. D’autres, malgré les fetes etaient encore trop absorbés dans leurs soucis du quotidien pour réagir à notre venue, ce qui a à voir avec l’individualisme dont chacun est pénétré en France. Si ils savaient pourtant, toute l’energie que j’ai puisé en moi pour affronter les moments difficiles, en songeant à la douceur et l’allègresse de nos retrouvailles…. Au 31 nous avons précieusement récupérés deux amis, et le lendemain quelques autres qui nous ont rendu la pareille en matière d’amitié, et les vingts autres attendus dans cette période-ci sont restés muets, ne se sentant probablement pas concernés par nos invitations. Nous voilà confrontés à deux mondes décalés : nous qui croyions arrivés comme une fleur après tant d’absence, a la hauteur des retrouvailles du fils prodigue chez son père et eux pris de cours dans le cours de leur vie, sous l’influence d’une société qui accorde de moins en moins dímportance à l’aspect communautaire et aux rituels qui vont avec.
On a passé quinze jours trés satisfaisants à table, dans une incohérence d’ingurgiter tant de victuailles pour si peu de dépenses physiques. Cela a fait du bien de se sentir attendu et désiré par certains de nos proches, qui se sont trouvés plus concernés que d’autres. Il y a eu de beaux instants de complicité. Certains bien que physiquement présent étaient malgre tout assez absents, trop préoccupés par leurs occupations quotidiennes, et nous avons un peu regretté de ne pas pouvoir communiquer davantage.
Au milieux des belles choses, entre deux rencontres communautaires a souhaits, je sens tout le poids mort de notre société du nord. Toute la mélasse de cet ego qui prend trop de place (ce moi, je), de l’individualisme exagéré qui nous rattrappe toujours, le poids de l’inconscient social qui met la pression pour etre comme les autres, travailler excessivement, surtout s’oublier dedans, avoir une distance entre nous (on est proche, mais on ne construit pas nos vies pas ensembles), au contraire de la Turquie et de ses exces aussi, ou l on imagine meme pas me laisser cheminer seule dans un village, et ce sacre manque de spiritualite français chez certains qui disparaissent dans le materialisme. Non, bien que j’etais heureuse d etre avec tous ces gens que j’aime pour ces jours les plus courts, j’ai clairement senti que ma place était de continuer le voyage, pas encore de s’emmélasser en France. Ça pour quelques vestiges poetiques, ça sera pour plus tard…
Ce voyage aura appris qu’il n’y a pas de sociétés parfaites. Dans les autres, il y a l’avantage de ne pas suffisament maitriser la langue pour etre afflige des erreurs et des betises humaines. Les Anatoliens debordent de sourires et d’enthousiasme, mais ils ne sont pas en mesure de comprendre les dessous des organisations sociales. Nous, francais, accables et pessimistes sommes plus a meme d’ameliorer le court des choses. Et encore ce n’est pas une mince affaire. Mais nous avons la chance de pouvoir etre conscients et par la meme, d’avoir un impact sur nos vies. Alors que la-bas on subit, sans pouvoir rien y faire, les mariages arranges, le travail harassant des femmes dans les champs, la mafia omniprésente…
Vous y comprenez quelque chose ?
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